Admettons quand même que ce n’était pas gagné. Admettons quand même qu’on a eu chaud. Et aussi qu’on a eu froid, qu’on a souvent été trempé, dégoulinant de sueur ou de pluie ou de boue, admettons que certaines soirées ont paru longues à la fin et que les réveils ont tous été difficiles. Admettons qu’on a peut-être eu les yeux plus gros que le ventre, que le 14e concert de grindcore en une semaine était peut-être celui de trop pour un système digestif soumis à rude épreuve, admettons donc que sept jours c’était peut-être beaucoup.
Bref, admettons. Mais bon sang, mais quand même… Qu’est-ce que c’était bon ! Le soleil qui cogne, les décibels qui fusent de partout, ces groupes tous surmotivés, prêts à en découdre en retrouvant le plancher de la scène, ces affiches où même le plus grincheux des métalleux avait de quoi faire son marché, ces foules électriques et assoiffées — si on m’avait dit d’ailleurs un jour qu’il y aurait autant de gens buvant des litres d’eau à un concert d’Obituary, ça m’aurait scotché. C’était putain de bon de retrouver tout ça. Et puis surtout de vous retrouver vous.
Parce que si j’ai eu la banane pendant dix jours, je n’étais pas le seul. Partout où je posais mon regard à travers mon objectif, j’ai croisé des sourires. Des sourires heureux d’être là, heureux de pouvoir enfin se dévoiler après tous ces mois à se cacher, heureux de partager cette même surprise à se dire qu’on en était sortis. Même dans le froid et la pluie du deuxième week-end, la bonne humeur ne s’est pas tarie. Ce n’est donc pas un hasard si, durant ces deux week-ends, mon œil n’a pu quitter vos visages.
Et même si j’ai ramené de ces deux Hellfest des souvenirs par paquets (les blagues avec les copains durant Red Fang, ce concert toujours dantesque des impeccables Carcass, la longue discussion avec ce vieil Anglais qui nous a raconté des concerts mythiques, ad lib.), celui qui me reste aujourd’hui, celui me paraît le plus cher, le plus drôle, le plus touchant, c’est ce moment passé le samedi soir du deuxième week-end près du feu, à s’approcher le plus possible pour se réchauffer, à se coller à tout ce monde en se marrant. Il y avait un côté partouze chaste un peu. Tout le monde était en joie de se sentir proche des autres, ne pas avoir peur de les toucher, de les bousculer.
Bref. Ce qu’il nous fallait avant tout admettre, c’est qu’on était toujours vivants. Et aussi qu’on sera là en 2023 pour fêter ça de nouveau.
See you donc !